Reportage de la Sève Française

Drainante, détoxifiante : les secrets de l'eau de bouleau, une boisson naturelle qui fascine

Par Emmanuel Durget et Cyril Hofstein, pour Le Figaro Magazine

3/10/20247 min lire

REPORTAGE
Récoltée depuis des siècles en Europe de l'Est et dans les pays nordiques où elle est très appréciée, l'eau de bouleau s'est invitée peu à peu dans les linéaires des grandes surfaces. Découverte d'une boisson qui attise bien des convoitises.

Ce matin, malgré le grand soleil qui passe à travers les branches dénudées des arbres, le froid est encore vif. Le gel empêche la sève des bouleaux de s'écouler et le précieux liquide stagne dans les tuyaux de plastique transparents qui, à la manière d'une gigantesque toile d'araignée, quadrillent la forêt jusqu'à une cuve de 1000 litres. « Notre quota est encore bien loin d'être atteint. Hier nous avons fait plus de 1200 litres de pure eau de bouleau. Espérons que le réchauffement de la température accélérera le débit au cours de la journée, soupire Jean de Falandre, cofondateur, avec son beau-frère Emeric Pillet, de La Sève Française, une entreprise fondée en 2021 et spécialisée dans la récolte de ce produit traditionnellement apprécié pour ses propriétés « détoxifiantes drainantes et revitalisantes », selon les naturopathes qui recommandent d'en faire une cure annuelle, au printemps, pour « purifier son organisme et renforcer ses défenses immunitaires ».

Installés entre Laval et Le Mans, en Sarthe et en Mayenne, les deux jeunes entrepreneurs exploitent pour l'instant quatre parcelles forestières pour un total de huit hectares et produisent chaque année environ 150.000 litres de sève. Un rendement qui les classe parmi les plus importants producteurs français du moment.

La suite de l'article est disponible sur : Le Figaro

REPORTAGE
Récoltée depuis des siècles en Europe de l'Est et dans les pays nordiques où elle est très appréciée, l'eau de bouleau s'est invitée peu à peu dans les linéaires des grandes surfaces. Découverte d'une boisson qui attise bien des convoitises.

Ce matin, malgré le grand soleil qui passe à travers les branches dénudées des arbres, le froid est encore vif. Le gel empêche la sève des bouleaux de s'écouler et le précieux liquide stagne dans les tuyaux de plastique transparents qui, à la manière d'une gigantesque toile d'araignée, quadrillent la forêt jusqu'à une cuve de 1000 litres. « Notre quota est encore bien loin d'être atteint. Hier nous avons fait plus de 1200 litres de pure eau de bouleau. Espérons que le réchauffement de la température accélérera le débit au cours de la journée, soupire Jean de Falandre, cofondateur, avec son beau-frère Emeric Pillet, de La Sève Française, une entreprise fondée en 2021 et spécialisée dans la récolte de ce produit traditionnellement apprécié pour ses propriétés « détoxifiantes drainantes et revitalisantes », selon les naturopathes qui recommandent d'en faire une cure annuelle, au printemps, pour « purifier son organisme et renforcer ses défenses immunitaires ».

Installés entre Laval et Le Mans, en Sarthe et en Mayenne, les deux jeunes entrepreneurs exploitent pour l'instant quatre parcelles forestières pour un total de huit hectares et produisent chaque année environ 150.000 litres de sève. Un rendement qui les classe parmi les plus importants producteurs français du moment.

« Pour nous, c'est une vraie aventure familiale, explique Emeric. Nous connaissons depuis longtemps et nous aimons tous les deux la forêt. Jean en avait déjà fait son métier et pour moi ça a été une opportunité de travailler au plus proche de la nature. Même si la période de récolte est d'une très grande intensité. La sève ne coule que pendant une très courte période et nous devons pratiquement travailler 24h sur 24. »

Coordinateur du Comité des Forêts, un important syndicat de propriétaires forestiers privés français, Jean de Falandre cherchait en effet depuis des années des solutions durables pour aider ses clients à valoriser leurs parcelles de bouleau. Un arbre peu utilisé dans l'industrie du bois et que beaucoup d'exploitants sont tentés de remplacer par d'autres essences plus lucratives comme le chêne ou les résineux. Pourtant les boulaies abritent souvent un écosystème complexe dont dépendent de nombreux autres animaux et végétaux et sont particulièrement choyés en Europe de l'Est et dans les pays nordiques, comme la Suède ou la Finlande. Des pays où leur sève est utilisée pure ou diluée sous forme de boissons rafraîchissantes saisonnières très populaires.

Un litre par jour

Connue au moins depuis le Moyen Âge en Europe occidentale, l'eau de bouleau était déjà prescrite par les apothicaires pour essayer de soigner les calculs rénaux et, au XIIe siècle, Hildegarde de Bingen la conseillait pour soulager les ulcères. Composée à plus de 95 % d'eau, cette boisson au goût légèrement boisé est riche en sucres à des taux variant en moyenne de 2,5 à 4,7 g/l de glucose et de 2,3 à 4,5 g/l de fructose. Elle contient également de faibles quantités de sucrose, de galactose et des acides de fruits : acide malique (0,1 à 0,7 g/l), acide succinique (< 0,1 g/l), acide phosphorique (< 0,04 g/l), acide citrique (< 0,1 g/l). S'y ajoutent encore des polyphénols et des acides phénoliques, des protéines et des acides aminés principalement l'isoleucine, la valine, l'asparagine et la glutamine ainsi que des minéraux (calcium, magnésium, potassium, zinc, cuivre, manganèse, fer) et des oligo-éléments (chrome, sélénium, cobalt, or, silicium, cuivre et lithium).

"En moyenne, un bouleau va produire 1 litre par jour. Une fois la saison terminée, l'écorce cicatrise et l'entaille disparait. Toutes les parcelles que nous avons en gestion sont en pente et le liquide s'écoule par gravité."

Emeric Pillet, de La Sève française

Si ses propriétés diurétiques et drainantes sont globalement reconnues, elle n'est en général pas recommandée aux enfants de moins de 7 ans, aux personnes souffrant d'allergie au pollen de bouleau ou chez qui des pathologies rénales ont été diagnostiquées. Par ailleurs, l 'avis d'un médecin est recommandé pour les femmes enceintes ou allaitantes. «Ce produit n'est pas vraiment connu en France et, à ma connaissance, il n'y a pas eu d'études scientifiques sérieuses sur ses supposées vertus, fait remarquer Docteur Jean-Michel Lecerf, Médecin spécialiste en endocrinologie et maladies métaboliques, Clinicien au CHRU de Lille (59), directeur du Service de Nutrition de l'Institut Pasteur de Lille depuis 1982 et auteur notamment du livre «40 idées fausses sur les régimes». Je ne me prononce donc pas sur son intérêt ou non pour la santé humaine et, par conséquent, je n'ai pour l'instant aucune raison objective de conseiller ou de proscrire sa consommation.»

« L'eau de bouleau est un produit totalement naturel, explique Emeric Pillet. C'est le liquide nourricier, chargé en minéraux et oligoéléments et naturellement sucré qui permet l'apparition des feuilles et bourgeons au printemps. Pour l'extraire, nous sélectionnons les arbres les plus robustes, âgés d'une trentaine d'années en moyenne. À l’aide d'une perceuse équipée d'une mèche spécifique nous réalisons ensuite une entaille de quelques millimètres de diamètre dans le tronc pour ne pas fragiliser l'arbre et prélever environ 1% de la sève montante pendant une période de 2 à 4 semaines. En moyenne, un bouleau va produire 1 litre par jour. Une fois la saison terminée, l'écorce cicatrise et l'entaille disparait. Toutes les parcelles que nous avons en gestion sont en pente et le liquide s'écoule par gravité.»

«La récolte s'est professionnalisée»

La Sève Française n'est pas la seule entreprise à s'être lancée dans ce micromarché de niche et le secteur ne cesse de se développer dans toutes les régions où l'on trouve des boulaies. Parmi les pionniers, les équipes du Domaine national de Chambord ont commencé à s'y intéresser en 2018 et, en 2019, le château a fait sa première récolte. « À l'époque, raconte Etienne Guillaumat, directeur de la chasse et de la forêt de Chambord, environ 400 bouleaux avaient été équipé de poches récoltées manuellement les ouvriers forestiers du Domaine. Puis nous nous sommes inspirés des retours d'expérience des récoltants d'érable au Canada pour développer les mêmes techniques. Et en 2021, la récolte s'est professionnalisée avec plus de 3,4 kilomètres de tuyaux installés pour relier plus de 600 arbres dans une parcelle en légère pente au cœur de la forêt. En 2021, par exemple nous avons produit 13.500 litres. Mais cette année s'annonce un peu moins favorable en raison notamment du changement climatique qui affecte la Sologne. Mais le produit fini demeure d'une très grande qualité.»

"Et en 2021, la récolte s'est professionnalisée avec plus de 3,4 kilomètres de tuyaux installés pour relier plus de 600 arbres dans une parcelle en légère pente au cœur de la forêt"

Etienne Guillaumat, directeur de la chasse et de la forêt de Chambord

Fragile, la sève fraîche doit en effet être consommée très vite. Et pour être consommable tout au long de l'année, l'eau de bouleau est souvent pasteurisée. « Nous avons choisi la pasteurisation et la mise en bouteille dans une entreprise locale afin de privilégier des circuits courts, précise Jean de Falandre. De même, nos bouteilles en verre sont consignées et notre produit est particulièrement mis en valeur dans plusieurs grandes enseignes de la région Ouest. » Jusqu'ici plutôt présente dans les linéaires des magasins bios, où la bouteille se vend autour de 10 euros le litre, l'eau de bouleau commence à séduire de plus en plus de consommateur en France qui découvrent ce nouveau produit du terroir. Peut-être est-ce aussi une bonne nouvelle pour la forêt et les boulaies, ces petits bois un peu magiques, nichés au plus profond des hautes futaies, qui méritent d'être protégés et mis en valeur.